L’invention de la galette de sarasin
J’ai créé ce conte pour l’Écho de Maskinongé et il est disponible sur leur site ici.
Meunier, tu dors, ton moulin va trop vite…
C’est aujourd’hui que ça se passe. Le meunier a ouvert les valves du barrage, la rivière agitée fait tourner les rouages du moulin à pleine vitesse. Ça fait un bruit d’enfer. Le bois frotte sur le bois. La chaleur augmente dans le moulin. Avec la poussière de farine qui remplit toutes les pièces, le moulin pourrait exploser à tout moment.
Meunier, tu dors, ton moulin va trop fort…
Les chevaux sont prêts, elle est au point de rendez-vous.
Roland, le meunier, l’avait rencontré lorsqu’il faisait ses livraisons de farine chez le boulanger. C’était sa fille. Une jeune femme joufflue avec des courbes appétissantes comme des miches de pain. Chaque soir, Roland faisait un peu plus sa connaissance jusqu’à ce qu’ils commencent à se fréquenter en cachette, entre les poches de farine et les pâtes à pétrir.
Ton moulin, ton moulin, va trop vite…
Roland et la belle boulangère regardent derrière eux probablement pour la dernière fois.
Le seigneur du royaume s’était opposé à leur mariage en prononçant une loi interdisant un meunier de marier une boulangère. Il craignait qu’ensemble, ils aient le monopole du pain dans le royaume et le seigneur désirait conserver tous les pouvoirs pour lui. Il proposa ensuite au père de la boulangère de marier sa fille avec son fils pour en faire une princesse.
Ton moulin, ton moulin, va trop fort… BOUM !
L’explosion du moulin crée un épais brouillard de farine sur le village et le couple d’amoureux s’y faufile pour prendre la fuite.
Non, elle ne sera jamais princesse du royaume. Elle avait choisi de suivre l’amour de sa vie. Ils allèrent s’établir dans une région avoisinante, quelque part près de Louiseville. Roland y construisit un nouveau moulin. Pour ne pas avoir de problème avec la loi interdisant le monopole du pain, il se mit à moudre les grains de sarrasin. Et la boulangère en fit de succulentes galettes. Comme ils ne produisaient pas de pain, ils n’eurent plus jamais de conflit avec les seigneurs.
Ils vécurent heureux et lorsqu’on demanda à la boulangère si elle regrettait de ne pas avoir marié le fils du seigneur, elle répondit en riant qu’elle préférait être une reine-meunière que la princesse du royaume. Leur amour a fait des petits. La preuve est qu’aujourd’hui encore, une fois l’an, des milliers de personnes se rassemblent dans le coin de Louiseville pour manger des galettes comme celles que faisait Roland et sa femme…