Est-ce que Audrey est revenue est une comédie?

Récemment, j’ai été impliqué dans un débat à savoir si la série « Audrey est revenue » était une comédie. Certaines personnes croyaient que non puisqu’elle a une prémisse plutôt dramatique et qu’on ne rit pas aux sept secondes en l’écoutant. Pourtant, de mon côté, je crois que c’est la comédie de l’année. Qui a raison, qui a tord? Si seulement Anne-France Goldwater animait encore L’arbitre, on aurait pu trancher la question une fois pour toute!
J’ai l’impression que la confusion vient du fait que la comédie est un spectre. Voici d’ailleurs le spectre de la comédie:
Okay okay, j’arrête mes mauvaises blagues.
SPECTRE DE LA COMÉDIE

SITCOM: Traditionnellement, ce sont des épisodes tournées en studio devant public : La petite vie, Kilomètre heure, Histoires de filles. Chaque personnage incarne un archétype et il évolue très peu au fils des saisons. Par exemple, Homer Simpson est toujours aussi con à la saison 33 qu’à la première (oui oui, ils sont vraiment rendu à 33!).
ET SITCOM 2.0 : Le sitcom est en évolution. Aujourd’hui, il n’y a souvent plus de rire en canne ni de public. Les personnages ont même certains éléments de courbe dramatique : une proposition en mariage, une nouvelle blonde, une perte d’emploi. Ce sont des éléments qui font évoluer la situation des personnages, mais très rarement leur nature. Le personnage reste donc le même, mais avec un nouvel emploi ou une nouvelle blonde.
Exemples de sitcom : Discussion avec mes parents, Contre-offre, Survivre à ses enfants, Entre deux draps, Escouade 99
COMÉDIE FRANCHE: Ce sont des comédies dont la fonction première est clairement le rire. Par contre, les personnages ont un peu plus de profondeur. Les situations auxquelles ils sont confrontées les font même évoluer au fil des saisons.
Exemples comédies franches: Sans rendez-vous, L’oeil du Cyclone, La maison bleue, Le bonheur
COMÉDIE DRAMATIQUE: On sourit souvent, on rit même quelques, mais on l’écoute surtout pour connaître l’histoire. On veut savoir ce qui va arriver aux personnages. À chaque épisode, ils évoluent et leur histoire avance. Le ton est souvent plus « réaliste » qu’en sitcom ou en comédie franche. Ce sont des histoires un peu plus costaudes avec des intrigues plus complexes.
Exemples de comédies dramatiques : Les mecs, Léo, La confrérie, Moi non plus
DRAMÉDIE: On y suit d’abord une histoire avec des enjeux dramatiques forts. Contrairement au drame, les épisodes sont allégés ou ponctués de quelques moments d’humour. Vous l’aurez peut-être deviné, mais c’est vraiment CE genre qui suscite le plus souvent la confusion: « Coudonc, c’est tu vraiment une comédie? ». À mon sens, c’est ce qui en fait un des genre les plus intéressants parmi ce qui se fait au Québec présentement. Ce sont des comédies qui brouillent les codes, qui font preuve d’audace et qui ont généralement un fort sens du storytelling.
En voici trois exemples particulièrement intéressants:
Exemple 1 : Audrey est revenue
C’est l’histoire touchante d’une jeune fille qui se réveille après plusieurs années dans le coma. Cela provoque un choc pour sa famille qui doit l’accompagner dans sa reconstruction. La réalisation, l’interprétation et la musique (de Alexandra Strélinski) y sont extrêmement touchantes. La grande habileté de cette série, c’est de saupoudrer les dialogues d’un humour fin. Et il y a aussi des blagues claires qui viennent punchées certains moments clés. À mon sens, cette série incarne très bien toute la beauté et la drôlerie d’une dramédie.
Exemple 2 : C’est comme ça que je t’aime
Contrairement aux comédies traditionnelle en format 30min, cette série se déploie en épisodes de 60min. Ça raconte l’histoire de banlieusards de Québec qui basculent dans le crime organisé en devenant les « caïds de Ste-Foye ». On est très loin d’une ligne un punch dans l’humour et il y a plein de meurtres et de cocaïne. Pourtant, à mon sens, c’est une des séries les plus drôles diffusé présentement. Chaque ligne de dialogue est mémorable et les épisodes nous amènent toujours là où on ne s’y attend pas.
Exemple 3: M’entends-tu
On plonge ici dans l’univers trash d’un quartier dur et des conséquences de la pauvreté sur ceux qui l’habitent. Malgré cette prémisse dramatique, la série compte plusieurs moments lumineux et même des scènes très drôles. La saison 2, qui est probablement ma préférée, est particulièrement intense alors qu’un des personnages est victime de violence conjugale pas son chum pas fin, Kevin. Anecdote, j’ai déjà croisé ce comédien sur la rue et je lui ai décoché un regard voulant dire « lâche Carolanne maudit pourri », comme quoi je ne suis pas mieux que ceux qui apportaient des poches de linge pour Donalda au pied de la tour de Radio-Canada à l’époque des Belles histoires des pays d’en haut. Malgré tout ce drama, ça n’a pas empêché M’entends-tu de remporter le prix Gémeau de la meilleure série COMÉDIE et aussi le prix meilleur COMÉDIE lors du festival Série Mania.
Bref, tout ça pour dire que la prochaine fois qu’on vous dira qu’une série n’est pas une comédie, gardez bien en tête l’image de ce spectre:
J’ai encore appris quelque chose de nouveau aujourd’hui !