Recette de personnage (la meilleure)

Je n’ai jamais aimé écrire des descriptions de personnage. Je me suis toujours demandé comment de pleines pages décrivant son enfance, son voyage au Maroc, sa routine du matin, son signe du zodiac, ce qu’il met sur ses toasts le matin… peuvent vraiment m’aider à écrire des scènes intéressantes? Ma vision a changé quand j’ai compris qu’on pouvait rapidement élaborer un personnage en fort en posant simplement trois questions.

Un bon personnage possède généralement les trois éléments suivants : il veut quelque chose, il a réellement besoin d’autre chose et un obstacle important l’empêche d’atteindre ce qu’il veut.

  • Ce qu’il veut: C’est ce qu’il veut accomplir. Idéalement, on choisit un élément extérieur et mesurable. Par exemple: gagner un tournoi, trouver le meurtrier, obtenir une promotion, conquérir le coeur d’un autre personnage.
  • Ce dont il a besoin: C’est ce que le personnage recherche réellement. Souvent inconsciemment. Il s’agit d’un élément intérieur qui entre souvent (mais pas toujours) en conflit avec ce qu’il veut. Par exemple: le personnage qui veut une promotion à son travail, mais il a besoin de se recentrer sur sa famille. Ou encore, le personnage qui veut gagner une compétition a surtout besoin de l’approbation de ses parents.
  • Son principal obstacle: Qu’est-ce qui l’empêche d’obtenir ce qu’il veut. Idéalement, cet obstacle doit être intérieur. Il lui manque une qualité ou il a un gros défaut.

Après avoir identifié chacun de ces éléments, je pose simplement la question POURQUOI après chacun de mes énoncés? Pour y répondre, je dois chaque fois clarifier un élément clé de son passé ou de sa vie actuelle. Indirectement, ça m’amène aussi à définir sa relation avec les autres personnages. En trois POURQUOI, j’obtiens une bio de personnage contenant les moments clés qui ont forgé sa personnalité ET, du même coup, je fais en sorte que ses actions dans l’histoire soient motivées par un bagage psychologique.

Okay Alexandre, c’est bien beau tout ça, mais on dirait que ça prendrait un exemple? D’accord!

Exemple : Breaking Bad

Ce qu’il veut: Quand Walter apprend qu’il a le cancer, il veut faire un coup d’argent pour payer ses traitements et assurer un avenir à sa famille. POURQUOI? Son petit salaire de professeur de chimie dans une école secondaire ne lui a jamais permis de mettre de l’argent de côté. Même s’il travaille fort chaque jour de sa vie, il arrive à peine à se sortir la tête de l’eau. Constamment épuisé, il est piégé dans un mode voiture/boulot/dodo qui lui procure une vie qu’il juge insatisfaisante.

Ce dont il a besoin: Walter a un énorme besoin de reconnaissance. POURQUOI? C’est un brillant scientifique qui s’est fait trahir par son partenaire en sortant de l’université. Il aurait pu être millionnaire et peut-être même gagner un prix Nobel, mais non, il enseigne plutôt là une bande de jeunes qui ne le respectent pas. En faisant ses premiers pas dans la criminalité, il obtient peu à peu le succès et le respect qui lui a toujours manqué dans sa vie (ironiquement, en faisant « le mal »).

Son principal obstacle: Walter ne connait absolument rien à l’univers du crime et de la drogue. POURQUOI? Walter a toujours joué selon les règles. C’est le genre d’homme qui ne dépasse pas 100 km/h sur l’autoroute et qui immobilise vraiment ses quatre roues à un arrêt. Si je rédigeais sa bio de personnage, j’ajouterais probablement même une anecdote tirée de son passé expliquant ce qui lui a donné ce trait de personnalité. Par exemple, il s’est fait prendre à tricher à un examen en 6e année. Une malchance puisqu’il connaissait déjà la réponse (c’est un génie!). Le regard déçu de sa mère lui avait alors déchiré le coeur. À partir de ce jour, il a intériorisé la certitude qu’il allait se faire prendre dès qu’il défierait les règles. Ou encore, que son père s’était fait prendre à voler un dépanneur et il est allé en prison un certain temps. Le jeune Walter avait honte à l’école et partout où il allait et s’est toujours promis d’être irréprochable pour compenser. Mes exemples ne font pas partie de la série, mais ça donne une idée de l’application de mon truc.

Écrire un livre – combien ça prend de temps?

J’ai écrit un livre. Oui! Dans la dernière année, j’ai écrit un roman complet : 50 000 mots, 260 pages. C’est une histoire destinée aux jeunes de 9 à 14 ans qui va être publiée aux Éditions de la Bagnole. Ça s’intitule GROS NINJA, j’en reparlerai dans un autre article, c’est certain!

LA grosse question que je me posais avant de me lancer dans ce défi, c’était de savoir combien de temps ça me prendrait. J’ai donc posé la question à Google, mais je n’ai rien trouvé de satisfaisant. Ceux qui écrivent sur le sujet restent vague : « ça m’a pris un an ». Okay? Mais encore? Un an temps plein ou bien un an en te poignant un peu le beigne? Fort de mon expérience, j’ai donc décidé d’écrire moi-même l’article que j’aurais aimé trouvé sur Google.

Le pré-travail: 50h

Lorsque j’ai commencé l’écriture, je savais déjà où j’allais. J’avais mes personnages, mes thèmes et une bonne idée de l’action globale. Je m’étais même fait un petit tableau avec le déroulement des scènes, L’idée originale pour mon livre venait d’une idée télé, alors j’avais déjà bien défriché mon sujet avant d’écrire. J’estime que j’ai mis au moins une 50aine d’heures là-dessus. J’ai d’ailleurs l’impression que ça a été du temps bien investit puisque j’ai pu rapidement avancer dans mon écriture sans avoir à me demander où aller.

L’écriture: 200 heures

Ayant un emploi à temps plein, j’ai écrit mon roman la fin de semaine. Concrètement, j’ai mis mon cadran à 7h les samedis et les dimanches pendant une bonne partie de la pandémie. J’écrivais avec un café dans un thermos jusqu’à 9h30 environ avant de prendre une pause déjeuner (quand ma copine se réveillait). Puis, je poursuivais jusqu’à 11h ou parfois midi. Grosso modo, j’arrivais à écrire une moyenne de 1000 mots en 4 heures. Mon roman fait 50 000 mots, j’estime que ça a donc dû me prendre environ 200 heures pour écrire le premier jet de mon histoire.

Les réécritures: 100 heures

Avant d’envoyer cette première version à mon éditrice, j’ai recommencé le livre du début et j’ai retravaillé chaque chapitre. J’ai clarifié mes idées, coupé le superflu, repunché les dialogues… corrigé une partie des fautes d’orthographe. Une bonne 50aine d’heures.

Suite aux commentaires de mon éditrice, j’ai retravaillé plusieurs éléments et j’ai encore peaufiné. Puis, elle a fait lire à d’autres gens de la maison d’édition et j’ai intégré d’autres notes. Ce travail d’aller-retour s’est fait sur quelques mois et, chaque fois, m’a demandé quelques heures (davantage au début, beaucoup moins à mesure qu’on avançait). Une autre 50aine d’heures.

La version finale: 18 heures

Une fois le tout approuvé par la maison d’édition, j’ai fait une dernière lecture complète en corrigeant certains détails ici et là (environ 7 heures). Puis, j’ai reçu les notes de la personne en charge de la révision linguistique. J’ai intégré 99% de ses notes, environ 4 heures de travail. Puis, j’ai refait une dernière lecture avant qu’on envoie officiellement le tout à la mise en page (un autre 7 heures).

TOTAL: 368 heures.

Pour le plaisir, j’ai calculé que si j’avais travaillé le même nombre d’heures au salaire minimum (14,25$), j’aurais été payé 5244$. Disons que je suis bien curieux de voir si le succès commercial de mon roman est capable de battre ça.

Voici donc la réponse à la fameuse question : « combien ça prend de temps écrire un roman? ». Du moins, c’est MON expérience. D’ailleurs, je suis curieux s’il y a des auteurs qui lisent cet article de savoir combien d’heures ça vous prend?

Comment choisir un univers pour sa série télé?

Une des premières choses à déterminer quand on développe un projet télé, c’est l’univers dans lequel il se déroule : un bar de danseuse, une rue de banlieue à Brossard, une compagnie d’exterminateur?

Selon moi, ces univers peuvent (très arbitrairement) être divisés en deux catégories: chauds et froids.

Les univers chauds:

Ce sont des univers qui regorgent d’histoires à la base. Ce sont d’ailleurs souvent ces univers qui sont utilisés pour faire des documentaires d’observation comme 180 jours, De garde 24/7, Police en service, Au coeur de la DPJ. Il s’y déroule chaque jour, qu’on le veuille ou pas, des tonnes d’histoires. Comme scénariste, on entre dans ces univers à travers le point de vue de nos personnages. Ceux-ci sont constamment en train réagir à ce qui les entoure et ils doivent tenter de se frayer un chemin à travers cet univers chaud.

Des exemples:

  • Unité 9 : une prison pour femmes
  • Toute la vie: une école pour fille-mère
  • Confre-offre: une entreprise familiale de courtiers immobiliers
  • Doute raisonnable: une unité d’enquête sur les crimes sexuels.

(en rédigeant, je réalise que les séries de Fabienne Larouche se déroulent souvent dans ce type d’univers)

Les univers froids:

Par contraste, ce sont des univers qui ne sont pas est constante ébullition. Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas « chaleureux ». Mais ce sont des univers où, si nos personnages n’y étaient pas, il ne se passerait pas grand-chose. Dans cette logique, Breaking Bad est un univers « froid ». Si Walter White ne décide pas de se lancer dans le crystal meth, il ne s’y passerait rien. En d’autres mots, l’univers « froid » doit être réchauffé par l’action de ses personnages.

Des exemples:

  • Audrey est revenue
  • Les mecs
  • Léo

Alors, quel univers je choisis?

En tant que producteur chez URBANIA, je reçois régulièrement des propositions de projets. J’ai donc la chance d’être exposé à plusieurs univers. Ceux qui se distinguent ont généralement les deux qualités suivante : AUTHENTIQUE + ORIGINAL.

Authentique: « Write what you know »

T’as déjà travaillé au Burger King? T’as été élevé par ta grand-mère en région? T’as fait les Jeux du Québec en Kinball? Parmi tous ces univers que tu connais, un d’entre eux peut-il t’inspirer une fiction? Attention, ça ne veut pas dire qu’il doit s’agir d’un récit autobiographique. Ton histoire peut être 100% inventée, elle se déroule simplement dans un univers que tu maîtrises. En tant qu’auteur, ça permet d’enrichir les scénarios d’une tonne de petits détails. Quand un auteur sait de quoi il parle, ça paraît immédiatement dans son écriture. Un exercice intéressant avant de développer une nouvelle idée de projet serait de faire la liste de tous les univers dans lesquels tu as déjà vécu : type de famille, école, premiers emplois, hobbys, sports, etc. Il y en a probablement un parmi eux qui ferait un bon terrain de jeu pour une fiction, non?

Original: « Write what we don’t know »

J’adore les histoires qui nous font découvrir de nouveaux univers. Des séries comme M’entends-tu (Télé-Québec), Je voudrais qu’on m’efface (Tou.tv), Manuel de la vie sauvage (Série Plus), ont tous en commun de nous faire plonger dans un univers dont on ignore souvent la réalité et les codes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est important qu’une plus grande variété d’auteurs prennent la parole. On ne peut pas demander à un auteur à succès blanc de 60 ans d’écrire sur la réalité des réfugiés syriens, sur les enjeux de la communauté trans ou sur la dure la réalité des gangs de rue. Ça prend plus d’auteurs qui proviennent de plus d’horizons pour faire ça! Une autre question à se poser est donc, parmi tous les univers que je maîtrise, lequel ou lesquels n’ont jamais été vus à la télé?

Ma vie est plate, est-ce que je peux écrire quand même?

Oui! Mais il faut que tu deviennes un EXPERT.

Personnellement, je tripe sur l’univers militaire et j’adore les films de guerre. Mais, si jamais l’envie me prenait d’écrire une série qui se passe dans l’armée, je sais bien que j’aurais beaucoup de travail à faire. Je devrais rencontrer des soldats, lire des livres, aller faire de l’observation. Il me faudrait posséder entièrement cet univers avant de rédiger mon pitch. C’est d’ailleurs ce qu’a probablement dû faire Kim Lévesque Lizotte pour sa série Virage (Noovo). Elle n’a jamais été patineuse de vitesse Olympique, mais, dès les premières minutes du premier épisode, on voit qu’elle a fait ses devoirs. C’est une tonne de petits détails subtils qui font qu’on y croit ou qu’on y croit pas. Et, il ne faut pas sous-estimer le « radar à bullshit » du public. Toute apparence de manque d’authenticité est rapidement repérée et condamnée. Pensons à la série dans l’univers du journalisme Les jeunes loups dont la réplique d’un personnage au premier épisode s’était transformée en meme: « pense Internet Paula ». Le public veut du VRAI. Même si tout est faux, il veut sentir que c’est assis sur du VRAI.

Le créateur de Star Trek n’a jamais été astronaute.

C’est vrai que tu peux aussi inventer ton propre univers. Par contre, même là, mieux vaut s’appuyer sur certains éléments du réel. La Servante écarlate parle d’une misogynie qui existe bel et bien dans notre société et Harry Potter s’inspire énormément de la vie des collèges anglais. Bref, même les univers les plus fantastiques puisent généralement dans le vrai pour connecter avec le public.

Qui choisit les gagnants des Gémeaux?

J’ai DEUX nominations pour les prix Gémeaux! La websérie Peigner le feu que j’ai réalisée est finaliste dans les catégories : Meilleure série numérique jeunesse et Meilleure réalisation d’une série numérique jeunesse. Mais, qui vote pour déterminer les gagnants?

C’est quoi les Gémeaux?

C’est un gala qui récompense les artisans de la télé dans plus de 130 catégories. S’il fallait remettre tous ces prix en même temps, le gala serait interminable. C’est pourquoi la remise des prix est divisée en trois moments :

  • Vendredi 17 septembre – le gala de l’industrie sur la page Facebook des Gémeaux. On y remet plus de 60 prix, la plupart pour récompenser le travail des artisans : directeurs photos, recherchistes, maquilleuses, musique, prise de son, costumes, etc.
  • Samedi 18 septembre – le gala d’ouverture des prix Gémeaux, à 20h sur ARTV. On y remet aussi plus d’une 60aine de prix. Presque tous les projets numériques sont récompensés dans cette soirée ainsi que plusieurs catégories télé comme les meilleurs documentaires, le meilleures séries jeunesse et les meilleurs animateurs.
  • Dimanche 19 septembre –Le gala diffusé à ICI télé à 20h. C’est le grand gala où on remet un total de 17 prix. Dont meilleure série dramatique, meilleure comédie, meilleure téléréalité. Il y a aussi plusieurs prix d’interprétations et pour les animateurs.

Maintenant, la grosse question: qui choisit les gagnants?

Il s’agit d’un processus en trois étapes :

Étape 1 – L’inscription : Le producteur inscrit le projet ( et il paie généralement les frais qui varient entre 300$ et 1000$ selon les catégories).

Étape 2 – Le choix des finalistes : 42 petits jurys formés 5 ou 6 professionnels visionnent les épisodes et déterminent les finalistes (entre 2 et 5 projets par catégorie).

Étape 3 – Le choix des gagnants : Tous les membres votants de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision ont la possibilité de choisir les gagnants. Ils votent en ligne en indiquant leur préférence de 1 à 5 (ou moins selon le nombre de nominations dans la catégorie) pour chaque projet. Toutefois, ce vote ne compte que pour environ 30% de la note finale. L’autre 70% provient du même exercice de préférence de 1 à 5 fait par chacun de membres du jury lors de l’étape 2.

À noter que le public ne vote pas dans ce gala. Ce sont des professionnels, membre de l’Académie canadienne de cinéma et de la télévision qui choisissent les gagnants. Alors, si je gagne, je pourrai enfin dire comme aux Oscars : « Merci à l’Académie »!